Le triomphe de la science-fiction au cinéma s’est accompagné de son relatif déclin littéraire ; non qu’il s’en écrive moins ou de moins bonne qualité, mais sa visibilité n’a cessé de décroître, pour ne plus concerner qu’un cercle restreint d’admirateurs. Cet état de fait résulte de plusieurs facteurs, comme la dissolution de la sensibilité SF dans la littérature contemporaine chez des auteurs tels que Thomas Pynchon, Haruki Murakami, Rodrigo Fresán, ou la difficulté toujours accrue de comprendre les textes à forte teneur scientifique. Mais parmi ces facteurs, il en est un qui ne doit rien à l’histoire des lettres, et tout à la nature même de la science-fiction : l’invention du concept de « singularité technologique », sorte de summum de l’imaginaire SF en même temps que son point-limite, création ultime venant sanctionner la fin d’un certain jeu d’extrapolation.
Qu’est-ce que la singularité ? Un concept dont la paternité revient à un auteur de science-fiction, Vernor Vinge, bien qu’il ne fasse que synthétiser un certain nombre d’idées qui étaient depuis un moment dans l’air du temps. À la base, il s’agit d’une simple observation sur l’accélération constante du progrès technologique. Dès les années 1930, le pionnier de la cyberculture et inventeur des fameux dômes géodésiques, Buckminster Fuller, parlait d’« accélération accélérante » pour décrire la façon dont le progrès se nourrit de lui-même, évoluant de façon non pas constante m...
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