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Édito

Article publié dans le n°1223 (01 févr. 2020) de Quinzaines

Huysmans connaît ces derniers mois une riche actualité, grâce à la publication de ses Romans et nouvelles dans la Pléiade, celle des poèmes du Drageoir aux épices et des Cr...

Huysmans connaît ces derniers mois une riche actualité, grâce à la publication de ses Romans et nouvelles dans la Pléiade, celle des poèmes du Drageoir aux épices et des Croquis parisiens dans la collection « Poésie »/Gallimard, et une exposition consacré au critique d’art qu’il fut, au musée d’Orsay – sans oublier la nouvelle édition du Cahier de l’Herne sur l’écrivain.

Huysmans a-t-il quelque chose à nous dire aujourd’hui ? Pourquoi redécouvrir cet atrabilaire à la plume vénéneuse ? Son actualité paradoxale réside sans doute dans l’alliance chez lui de l’exaltation et du sentiment du désastre. Ses déceptions et ses exécrations sont à la mesure d’une attente d’infini que lui refuse le monde contemporain. Comme Baudelaire, mais avec un talent différent, il solde les comptes des idéaux qui ont porté artistes et écrivains tout au long du XIXème siècle. Romantique déçu par l’effondrement politique de l’illusion lyrique, réaliste accablé par le réel, il incarne assurément la crise du « décadentisme » fin de siècle.

Friand d’une « modernité » qui abolit les stéréotypes ancestraux, il incarne presque simultanément une aspiration mystique en quête de sens. Créer est pour lui partir d’un effondrement pour tenter de trouver une issue par les voies de l’art et de l’artifice. Les personnages qu’il invente, tel le Folantain d’A vau-l’eau, qualifié d’ « Ulysse des gargotes » par Maupassant, sont les doubles des individus esseulés et anonymes de la société contemporaine. Ses détestations, ses refus et impossibilités, disent les impasses d’une conscience submergée par la touffeur inentamable du réel. C’est pourquoi il a inventé une écriture unique, nourrie par sa passion pour les raretés de l’iconographie de l’époque, comme pour la peinture, et séductrice par ses affectations mêmes : précise, précieuse parfois, surprenante bien souvent, agrippée au réel pour mieux le subvertir par une haine souterraine.

Daniel Bergez

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