Ces dernières années, nous en avons conscience, tout en étant l’une des rares publications en France qui donnent une vraie place aux livres et à la découverte, La Quinzaine littéraire ne remplissait plus le rôle qu’elle pourrait, qu’elle devrait avoir dans le débat littéraire et d’idées. Si nous voulons nous montrer dignes de ce que Maurice Nadeau nous a transmis, il nous faut tenter de répondre au défi du renouvellement pour refaire de ce journal un espace de création et de transmission.
Pour cela, nous ouvrons une période d’expérimentation, autour d’une direction éditoriale collégiale, sensible à toutes les propositions, celles des collaborateurs comme celles des lecteurs. Nous aimerions ouvrir nos pages à des inédits d’écrivains, aux réflexions des auteurs qui nous semblent compter dans la pensée. Nous souhaitons être attentifs à ce qui se passe à l’étranger, en traduisant des articles qui nous paraissent de qualité dans les grands suppléments ou journaux littéraires (Times Literary Supplement, New York Review of Books, Alfabeta2, Frankfurter Allgemeine Zeitung, Neue Zürcher Zeitung…). Nous proposons d’accorder une place plus importante aux livres que nous défendons vraiment : nous avons des auteurs de prédilection et nous voulons les faire apprécier. Nous savons qu’on ne façonne l’avenir que par un travail de reprise qui explore le passé dans une double exigence de connaissance et de vérité. Nous proposons aussi de laisser plus de place aux débats qui travaillent la pensée et les savoirs, réaménagés sous les effets conjugués de la mondialisation, de la fin des utopies et des évolutions scientifiques et technologiques.
L’ère numérique qui s’ouvre nous met devant de nouveaux défis. Il faut tenter d’y répondre. Mais nous croyons plus que jamais à l’importance d’une critique littéraire engagée et responsable. Nous croyons qu’il y a des œuvres, de langage et de pensée, et qu’il faut des lieux pour les mettre en scène, pour les défendre et pour les faire exister. Dans l’esprit du travail considérable mené par Maurice Nadeau pendant près de soixante-dix ans, de Combat à La Quinzaine littéraire, nous voulons continuer à faire que la recension des livres, l’observation de la vie des idées, la curiosité à l’égard de ce qui agite et même bouleverse le monde, suscitent chez chacun des rédacteurs et des contributeurs que nous solliciterons une réflexion indépendante des modes et le goût d’une information précise, vérifiée, ouverte à la contestation.
Dans la littérature, dans les livres qui paraissent comme dans ceux, plus anciens, qui accompagnent la vie de chacun, des regards sur le monde s’offrent à nous, nous révèlent ce que nous n’avions pas su voir ou à quoi nous n’aurions pas su donner expression. Les formes nouvelles, les « Lettres Nouvelles » pour reprendre le titre jadis donné par Nadeau à ce qui préfigurait La Quinzaine, nous voulons y être attentifs et les reconnaître. De cette attention dépend pour chacun de nous, écrivain, artiste, lecteur, journaliste, la capacité d’ouvrir nos pensées et nos sensibilités à ce qui nous entoure et à ce qui est en nous, de résister à la puissance des discours tout faits, de favoriser des paroles libres, inédites, et nous croyons qu’avec le soutien de tous une Quinzaine rénovée peut répondre à cette attente.
Nous souhaitons que vive La Quinzaine littéraire et nous savons qu’elle ne peut vivre qu’en se renouvelant, dans un esprit diversifié mais cohérent, dans une ouverture sur le monde et les œuvres qui, croyons-nous, peuvent l’éclairer et accroître notre désir de l’habiter.
La Nouvelle Quinzaine Littéraire
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