On mesure d’autant mieux la considérable portée critique de ce livre tendre, violent, si bien écrit et au titre faussement bucolique, Vivre avec les animaux, qu’on comprend de quelle expérience de vie et de quel courant épistémologique et politique il provient. Présenté comme une utopie pour le XXIe siècle, mais sans la moindre nostalgie d’un âge d’or, ce texte est écrit par une jeune femme au parcours exceptionnel, qui aura abandonné un travail de bureau pour devenir éleveuse de brebis et qui est passée par plusieurs formations et épreuves zootechniques avant d’entrer à l’INRA en tant que chercheuse. Par son travail, elle ne cesse de mettre en cause les pratiques imposées par la filière viande aux hommes et aux femmes qui s’occupent du bétail. Et, comme elle refuse de dissocier la condition des animaux de celle des éleveurs, c’est toujours aussi un regard de sociologue qu’elle porte sur ces questions.
Vivre avec les animaux. Une utopie pour le XXIe siècle
Mais surtout, mettant le partage du travail entre humains et animaux au centre de ses analyses, elle propose une approche marxiste de la question animale, ouvrant une perspective, riche de la lecture des Manuscrits de 44 et de l’Idéologie allemande. En même temps, elle se rattache au M.A.U.S.S., au Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales, dont le nom reprend celui du grand anthropologue français qui a écrit dans la première moitié des années 30 le fameux Essai sur le don. Toutes les pages de Jocelyne Porcher sont traversées par cette ...
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