Apparus il y a 400 millions d’années, les insectes sont les plus anciens animaux terrestres. Mais depuis des décennies, les scientifiques observent un effondrement durable de leurs populations, et même l’extinction de nombreuses espèces, par suite de l’artificialisation des milieux terrestres et de l’usage des insecticides à haute toxicité (notamment les néonicotinoïdes). Ce déclin fait peser une lourde menace sur les sociétés humaines. Présents dans tous les écosystèmes, les insectes assurent le recyclage de la matière organique et la pollinisation. Mais indépendamment de ces « services » rendus aux humains, la destruction des organismes vivants (qui touche autant les espèces végétales qu’animales) est une réalité particulièrement dramatique.
On définit les insectes comme des animaux à six pattes articulés autour de trois segments – tête, thorax, abdomen. Si leur petite taille leur vaut souvent le mépris, voire la détestation (avec toutefois des variations importantes selon les cultures et les époques), les « petites bêtes » ont toujours inspiré la création littéraire, notamment la littérature de jeunesse mais également la littérature de mœurs (songeons à ce dessin de Gustave Doré représentant en 1855 un Balzac entomologiste, penché sur un pupitre et regardant à travers une grosse loupe des hommes et des femmes épinglés comme des insectes). Pour autant, le détournement dans la fiction de ces êtres de nature ne laisse pas d’interroger : si les insectes fertilisent la création littéraire, que dire des croyances que la littérature transporte à leur sujet depuis des siècles, proverbes et légendes qui traînent dans nos mémoires depuis les bancs de l’école primaire et font partie de l’imaginaire commun? De fait, la répartition entre insectes nuisibles, bénéfiques ou indifférents reste indissociable de ces récits, fables et poèmes, lus et appris depuis l’enfance.
Et tandis que l’Académie des sciences nous alerte sur la disparition de ces compagnons ailés que l’on croyait immuables, il faut saluer l’initiative des éditions Honoré Champion qui viennent de publier un triptyque inattendu : un Dictionnaire littéraire et culturel de l’insecte, dont l’épaisseur ne dissuade en rien la lecture, ainsi que deux ouvrages universitaires entièrement consacrés à la littérature entomologique. Ces publications font écho à la réédition par l’éditeur bruxellois Espace Nord de trois récits du siècle dernier peignant la vie des insectes sociaux (ainsi nommés car ils vivent en colonies), ouvrages initialement parus en 1901, 1926 et 1930 sous la plume de l’écrivain Maurice Maeterlinck (1862-1949 – prix Nobel de littérature en 1911). Outre leur charme littéraire et leur intérêt scientifique, on peut lire dans La Vie des abeilles, La Vie des termites et La Vie des fourmis, ces essais de vulgarisation où les insectes sont observés comme en miroir de nos propres destins, la portée des désastres écologiques de cet été 2023...
Patricia De Pas
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