Sous la direction de Jacques Le Goff, une quarantaine d’historiens proposent les gestes et les actions des empereurs, des papes, des évêques, des abbés, des rois, des conquérants, des chevaliers, des théologiens, des mystiques, des saints, des marchands, des peintres, des architectes, des écrivains, des musiciens, des ingénieurs. Et pour comprendre le Moyen Âge, les personnages imaginaires sont des êtres symboles : Arthur, le prêtre Jean, Mélusine, Merlin et Viviane, Renart, Robin des Bois, Roland, Satan.
Cent douze biographies sont accompagnées de magnifiques illustrations médiévales (miniatures, vitraux, reliefs en ivoire, tempera sur bois, etc.). Dans ce bel ouvrage, des historiens précis savent raconter et ils comprennent les mentalités des collectivités, leurs croyances, leurs passions, leurs réflexions.
Dans cet ouvrage, il y a moins de femmes que d’hommes célèbres. Au Moyen Âge, le christianisme (tout en accordant aux femmes une place importante) mettrait en évidence une responsabilité d’Ève dans l’accomplissement du péché originel ; et les femmes n’ont pas été promues dans le clergé à la fonction sacerdotale. Mais, parallèlement, certaines femmes sont de grandes saintes. Dans les villes, au sein même de la vie laïque, des béguines apparaissent. Au xiie siècle, le développement du culte marial favorise la relative promotion de la femme. Enfin, plusieurs femmes (en particulier des reines) jouent des rôles importants. Et, par la littérature courtoise, une « dame » (admirée et aimée) aurait toute l’autorité sur un homme qui serait son « vassal »…
Circulent les femmes et les hommes du Moyen Âge… Selon une Histoire des rois de Bretagne (XIIe siècle), Arthur est roi à quinze ans ; il multiplie les victoires sur les Romains et les peuples de l’Europe occidentale ; il conquiert la Grande-Bretagne, les îles du Nord, le continent jusqu’aux Pyrénées, après avoir tué un géant près du Mont-Saint-Michel. Un de ses neveux (Merdred) est un traître ; il lui prend sa femme et son royaume. Revenu en Grande-Bretagne, Arthur tue le traître. Mais, très blessé, Arthur est transporté sur l’île d’Avallon ; on dit qu’il sera soigné longtemps et il pourra reconquérir son royaume. Mais, plus tard, d’autres légendes proposent des images très différentes d’Arthur. En particulier, il y a la quête du Graal…
Près d’Aix-en-Provence, le seigneur Raymond rencontre, au bord d’une rivière, une jeune femme superbe ; elle se nomme Mélusine. Ils se marient. Elle exige de ne jamais être vue nue. Ce mariage apporte une grande prospérité matérielle et de nombreux enfants très beaux. Mais, une nuit, par curiosité, l’époux épie sa femme ; il découvre une sirène nue dans un grand baquet. Mélusine l’entend et s’enfuit par la fenêtre sous la forme d’un dragon ailé. Elle ne reviendra plus, mais regardera à travers la fenêtre, pendant la nuit, ses enfants aimés et les protégera. Elle est la fée de la féodalité, elle est maternelle et défricheuse. Descendants de Mélusine, les seigneurs de Lusignan deviennent rois de Chypre.
Robin des Bois (Robin Hood), dans la forêt de Sherwood, est justicier, homme du peuple, vagabond des forêts. Son arme est l’arc qui s’oppose à l’épée des chevaliers. Il est le reflet des révoltes populaires.
Le prêtre Jean régnerait sur un pays très riche et sage ; il serait roi et prêtre. Il habiterait ou bien en Inde, ou bien en Éthiopie. Il aurait été, peut-être, le fils d’un des Rois mages. Ou encore, il aurait été converti par l’apôtre Thomas dans la région de Madras. Chrétien, il serait un roi tolérant aussi bien à l’égard des juifs que des musulmans. Une Lettre du Prêtre Jean est un traité du bon gouvernement.
Aliénor d’Aquitaine (1124-1204) est la plus aimée et la plus détestée des reines médiévales. Certains historiens louent sa beauté, sa piété, son mécénat. D’autres la considèrent comme une « louve avide de pouvoir ». En tout cas, elle fait preuve d’autorité ; elle intervient dans les luttes de son temps. Elle a été reine de France, puis répudiée, et reine d’Angleterre. Parmi ses enfant : Richard Cœur de Lion (son préféré), Jean sans Terre. À tel moment, elle est prisonnière ; à d’autres moments, elle triomphe. À quatre-vingt-deux ans, elle est enterrée à l’abbaye de Fontevraud.
Marquise de Toscane, la comtesse Mathilde de Canossa (1045-1115) voyage sans cesse. L’exercice de la justice lui plaît ; de nombreux actes judiciaires (signés de sa main) nous sont parvenus. Ses troupes ont livré bien des batailles. Pieuse, elle est une femme de pouvoir, dévouée à la papauté. En 1077, l’empereur et le pape se rencontrent dans le château de Canossa. L’empereur reste trois jours entiers, pieds nus, dans le froid et la glace, au bas de la forteresse.
Les mémoires, les chroniques, les lettres suscitent des récits hétérogènes. Vlad III, prince de Valachie (XVe s.), est appelé « l’Empaleur » ou Dracula ; il serait (pour certains) un tyran cruel et (pour d’autres) un prince juste, courageux, mais très sévère… Au XIIe siècle, Abélard et Héloïse sont très intelligents, très amoureux, très malheureux… Selon un poète hongrois, Attila (vers 403-453) est redoutable : « Les étoiles tombent, les montagnes se déplacent / La terre tremble, le monde périt / Je suis Attila, me voilà ! / Le marteau du monde et le fouet de Dieu ! »… Le Cid Campeador (1043-1099) est un aventurier de la frontière, avide d’exploits et de butins ; il sert des souverains chrétiens ou musulmans ; par la guerre, il gagne ; il marie bien ses deux filles (avec le roi de Navarre et avec le comte de Barcelone)… L’abbesse Hildegarde de Bingen (XIIe s.) publie ses divers livres. Elle décrit ses visions ; elle enseigne des remèdes, des « médecines douces » ; elle compose un chef-d’œuvre du chant grégorien… Saladin (XIIe s.) est devenu (surtout après sa mort) le prototype du chevalier, grand guerrier et habile chef politique, vénéré par les musulmans (à l’exception des chiites) et par les chrétiens… Tu n’oublies pas les silhouettes de Bernard de Ventadour (XIIe s.), Jeanne d’Arc (XVe s.), Jacques Cœur (XVe s.), Christophe Colomb (XVe s.), la béguine Douceline (XIIIe s.), Suger (XIIe s.), abbé de Saint-Denis, qui a conseillé deux rois et qui a choisi la gloire de la lumière dans le style gothique de son abbaye royale.
Gilbert Lascault
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