« Toute la tâche de l’art est d’inexprimer l’exprimable », annonçait Roland Barthes à la lisière feutrée de ses fondateurs Essais critiques en une formule incandescente de paradoxe qui pourrait servir de guide idéal à la lecture d’Histoire de la violence d’Édouard Louis. Ce puissant roman, le deuxième de son auteur, tout de noirceur et décisif de beauté, paraît être traversé du même et définitif constat devant un geste d’écrire qui, pour raconter ce viol qui a déchiré l’existence du jeune homme, ne doit pas, contre toute attente, se confronter à la terreur sombre de l’innommable mais surseoir à ce qui est déjà nommé dans la langue.
L’écrivain, homme sans langage
À l’exemple de Barthes, écrire pour Édouard Louis reviendra à aller au-delà de tous les discours convenus qui veulent circonscrire son viol, dans le triste et le banal d’un langage sans gloire afin d’œuvrer, par sa voix revenue, au grand récit refondateur d’une parole nue et inouïe de soi. De fait, depuis Pour en finir avec Eddy Bellegueule, son premier roman auréolé en 2014 d’un juste et tonitruant succès, Édouard Louis désire achever et faire taire dans l’écriture ce qui, depuis les mots des autres, empêche sa parole pro...
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