Patricia De Pas : Jean-Michel Gentizon, vous êtes psychiatre et aujourd’hui éditeur. Pourquoi avez-vous créé les Éditions des crépuscules ?
Jean-Michel Gentizon : Je les ai créées en 2008 dans le prolongement d’un travail éditorial débuté avec la revue Les Carnets de psychanalyse,à laquelle je collaborais, et autour d’un travail de transmission de l’expérience et de la clinique de psychanalystes réputés tels que Michèle Montrelay, Jean Clavreul, Moustapha Safouan et Alice Cherki notamment. Les premières années, c’était une entreprise très… artisanale : j’ai fait mes armes d’éditeur et je traversais Paris à bicyclette pour fournir les librairies… Les Éditions des crépuscules ont trouvé une nouvelle expansion par la rencontre amicale et déterminante de Frédéric Mériot, actuel directeur général des PUF, autrement dit maintenant de Humensis, et par la diffusion dans l’ensemble de la francophonie… Plusieurs de nos ouvrages ont été traduits de l’espagnol, en passant par un soutien du Centre national du livre (c’est le cas d’un essai de Nestor Braunstein sur la sculpture et des poèmes d’Enrique Huaco, poète péruvien ami de Pablo Neruda).
PDP : Avez-vous une ligne éditoriale ?
JMG : La ligne éditoriale s’est progressivement ouverte à d’autres domaines que la psychanalyse : le champ littéraire (collection « Ombre & lumière »), poétique (plusieurs textes de Jean Daive notamment), ou autour de la création artistique (sculpture, avec Eduardo Chillida et Javier Marín, ou peinture, avec Zao Wou-Ki). Nous avons une soixantaine de titres à notre catalogue, dont plusieurs ont dépassé au fil des mois le millier d’exemplaires vendus. Psychiatre hospitalier et psychanalyste, je considère que l’édition est dans la continuité du travail autour du récit. J’ai souvent pensé, en recevant un sujet qui me sollicitait, qu’en l’écoutant ou en l’invitant à prendre la parole je lui permettais de se saisir d’un récit personnel de son histoire, qu’il soit celui d’une vie, d’une passion, d’une expérience ou d’un amour, et qu’il soit écrit sur le mode fantastique, imaginaire, laconique ou obsessionnel…
PDP : Comment envisagez-vous la relation avec les auteurs ?
JMG : Avec les auteurs, il y a deux registres essentiels et concomitants : la rencontre première d’un style et, immédiatement ensuite, d’un sujet, d’une personne, d’une histoire, en sachant que l’aventure qui débute à deux peut être accidentée mais que, le plus souvent, elle tisse des liens solides de complicité et d’amitié, pas seulement littéraires.
PDP : Quel auteur auriez-vous rêvé d’éditer ? Quels sont ceux qui vous ont échappé ?
JMG : Parmi les auteurs que j’admire, je citerais Pierre Michon, Pierre Bergounioux et Ismaïl Kadaré. J’ai souvent rencontré Kadaré au café Rostand, j’ai voulu l’éditer et je lui ai demandé s’il avait un inédit pour moi, mais il n’a malheureusement pu accéder à ma demande car il était sous contrat avec son éditeur.
PDP : Pourquoi avoir donné ce nom à votre maison d’édition ?
JMG : Les « Éditions des crépuscules » nomment le crépuscule du soir et le crépuscule du matin en un même geste, c’est-à-dire, dans mon esprit, cette lumière naissante ou déclinante qui entoure le moment où le promeneur, inquiet ou sur le qui-vive, ne distingue pas, dans cet animal qui furtivement le suit, le chien du loup… Cette énigme et cette fascination m’ont porté à un long travail sur la « mélancolie louvière », autrement nommée lycanthropie…
PDP : Oui. Vous avez écrit un livre sur ce thème, que nous avons d’ailleurs chroniqué à sa sortie…
JMG : Tout à fait. Mon livre, De la lycanthropie, est sorti en 2016 à L’Âge d’homme. Il vient d’être réédité en poche.
Patricia De Pas
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