Sa nuit se passe entre rêves (sans sommeil) et quête de stratagèmes pour « feinter l’insomnie ». De fait, elle vit dans l’épuisement continuel. La sonde qui lui est posée à l’hôpital pour étudier son sommeil ne mesure pas moins de vingt réveils par nuit...
Son livre est une invitation à cheminer en terre insomniaque : il est à la fois un récit intime et une traversée de la littérature des nuits blanches (Proust, Kafka, Perec, Duras, Cioran, Roth, Woolf, Shakespeare...). Les techniques d’endormissement sont tour à tour soumises à l’expérimentation de l’auteure (acupuncture, tisane, yoga, psychanalyse, méthode Alexander, lecture, hypnotiques et anxiolytiques, alcoolisation). La plainte est parfois déchirante (notamment les passages sur la dépendance alcoolique). Sa rencontre avec les migrants de Calais est particulièrement riche : elle donne lieu à une comparaison inattendue de leurs nuits sans sommeil : les leurs (« C’est comment, dormir sur du gravier, dans un simple anorak ? ») et les siennes (« Et moi, à 4 heures du matin, avec mon insomnie d’Holiday Inn »).
Les lecteurs de la catégorie des « bons dormeurs » trouveront peut-être ce récit un peu... soporifique. Et il est vrai que les digressions, nombreuses et longues, le rendent parfois assez rugueux à la lecture. Certains y trouveront même un excellent somnifère. Darrieussecq n’en tirera pas ombrage. Elle peut compter sur le nombre de ceux qui, définitivement ou provisoirement fâchés avec Morphée, se réjouiront de lire les tribulations d’une compagne d’infortune et de pouvoir se moquer avec elle des bienheureux qui ont le mauvais goût d’avoir un bon sommeil.
Patricia De Pas
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