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« Écrire un roman sans flux de conscience ». Entretien avec Simon Chevrier

Dans cet entretien, le jeune auteur Simon Chevrier présente ses débuts littéraires et son premier roman, tout nouvellement paru chez Stock.
Simon Chevrier
Photo sur demande
(Stock)
Dans cet entretien, le jeune auteur Simon Chevrier présente ses débuts littéraires et son premier roman, tout nouvellement paru chez Stock.

Velimir Mladenović : « Photo sur demande » est votre premier roman. Quels ont été vos débuts littéraires ?

Simon Chevrier : En 2019 je traversais une période difficile et je me suis mis à écrire quelques pages sur ce que je vivais. Avec la matière que j’accumulais, quelque chose commençait à prendre forme. En janvier 2021, un matin, alors que je consultais les informations sur mon téléphone, je suis tombé sur un article du Paris Normandie. Une jeune romancière, Shane Haddad, avait sorti son premier roman, Toni tout court, chez P.O.L, qu’elle avait écrit dans le cadre du master de création littéraire du Havre. J’ai effectué des recherches sur ce master et les prérequis pour s’inscrire. J’ai déposé un dossier de candidature en avril avec des extraits de ce qui est aujourd’hui mon premier roman, et j’ai été sélectionné parmi cent quarante candidatures pour quinze places.

V. M. : Êtes-vous satisfait de l’accueil réservé à la sortie de votre texte ?

S. C. : Le jour de la sortie, j’ai senti un réel engouement sur les réseaux et j’ai reçu énormément de retours de lecture rapides et spontanés. Livres Hebdo et Libération ont ouvert le bal des critiques d’une très belle manière.

V. M. : Quels textes littéraires vous ont inspiré ?

S. C. : J’ai beaucoup lu de romans d’autofiction pendant l’écriture : Guillaume Dustan, Christine Angot, Dennis Belloc, Patrick Autréaux, Déborah Levy, Garth Greenwell. Grâce à tous ces auteurs, je crois avoir compris ce que je souhaitais explorer ; écrire un roman sans flux de conscience, dont l’émotion émanerait des faits et gestes du narrateur, de son regard et de l’attention aux mouvements.

V. M. : Peut-on interpréter la mort du père dans le roman comme une sorte de libération du narrateur ?

S. C. : Il y a quelque chose de terrible à voir un proche dépérir, c’est à la fois rapide et long. On sait que c’est pour bientôt mais la souffrance de l’être cher donne le sentiment que le temps s’arrête, que cela ne va jamais finir. Alors... Oui, quand tout est terminé, il y a un soulagement qui n’a rien à voir avec le manque qu’on peut ressentir. Je trouvais intéressant d’écrire sur cette étape du deuil : le fait d’être soulagé de ne plus être témoin d’une souffrance.

V. M. : Le roman contient une multitude de personnages. Cependant, c'est dans la relation du narrateur avec son père que le lecteur ressentira le plus d’émotions. Décririez-vous la vie du narrateur comme une recherche permanente de l’amour ?

S. C. : Le narrateur est confronté à ce que tout jeune gay de ce siècle traverse dans la découverte de l’homosexualité, les applications de rencontres. Tout ou presque passe par ce type de canaux. Lorsqu’on vit en province, il n’y a presque que ça. C’est rapide, les rendez-vous pour du sexe peuvent être pris en quelques minutes, et le narrateur se confronte à ce mode de fonctionnement en essayant tant bien que mal de jouer le jeu. Il espère, d’une certaine manière, qu’à travers une relation supposée être éphémère, un amour puisse naître comme par magie, que d’un plan sexe réussi l’amour advienne.

V. M. : On a l’impression que l’amour ne vient pas. Peut-on dire que cette histoire est inachevée ? Les lecteurs peuvent-ils s’attendre à une suite de l’histoire ?

S. C. : Non, c’est vrai que l’amour a du mal à arriver, mais en même temps il est difficile de penser que l’amour puisse venir alors qu’il traverse un moment de vie chaotique.

V. M. : Ce roman est une quête de l'amour qui décrit la recherche d'une photographie de Peter Hujar. Pouvez-vous nous dire comment cette photographie vous a inspiré pour le roman ?

S. C. : Elle ne m’a pas inspiré, elle faisait juste partie intégrante des évènements décrits dans le livre. Le narrateur la remarque comme moi je l’ai remarquée fixée au mur d’une chambre. La question était plutôt de savoir ce que je décidais d’en faire : elle aurait juste pu être décrite dans un fragment, mais l’enquête sur son origine s’est mêlée à la rédaction du roman de manière presque simultanée, légèrement après coup à mesure que je découvrais des informations la concernant. Les liens établis entre elle et ce que vit le narrateur relèvent d’une pure coïncidence.

[Simon Chevrier est diplômé d’une licence d’anglais et du master de création littéraire du Havre.]

Velimir Mladenović

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