Rares sont les cinéastes ayant obtenu un Oscar pour leur tout premier film. Florian Henckel von Donnersmarck est de ceux-là. En 2007, son premier long métrage, La Vie des autres (2006), s’est distingué comme le meilleur film en langue étrangère.
Sorti en Allemagne en 2018, son troisième long métrage, Werk ohne Autor (L’Œuvre sans auteur), ne fait que confirmer la grande maîtrise de ce réalisateur très inspiré.
Le film traverse un quart de siècle de l’histoire allemande. Il s’ouvre en 1937 à Dresden, dans les couloirs d’une exposition consacrée à « l’art dégénéré ». Droit comme un i et raide comme la justice, un guide-conférencier de deux mètres de hauteur présente aux visiteurs les œuvres décadentes d’un art prétendument moderne (Kandinsky, Klee, Miró...), « cette fumisterie » que le national-socialisme veut interdire pour le bien de la nation allemande.
Dans le public, le jeune Kurt Barnert (7 ou 8 ans), visiblement troublé, attire vers lui Elisabeth, sa jolie tante, et glisse à son oreille: « Finalement... peut-être que je ne veux pas être peintre... »
Peintre il devient – et fort talentueux. Son accomplissement artistique cristallise son éveil au grand secret du passé. « Ne détourne jamais les yeux », lui avait dit sa tante lors de son internement – scène ô combien violente pour l’adolescent d’alors, et qui se révélera déterminante pour la gestation de son art.
Dans son aboutissement, l’œuvre viendra révéler une vérité à l’insu de son auteur – ce dernier n’en est pas conscient : son œuvre est inconsciente. À la fin du film, ses pas le mènent, comme par hasard, sur ceux d’Elisabeth une génération plus tôt...
Certains ont écrit de ce film que ses effets étaient un peu trop appuyés. Faudrait-il donc qu’ils soient invisibles ?... Au contraire, tout est subtilement dosé, l’ensemble est juste. Même si d’autres regretteront sans doute une fin trop elliptique...
Patricia De Pas
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