La science héraldique a pour objet l’étude des armoiries, des blasons. Au Moyen Âge (du XIIe au XVe siècles), ces armoiries colorées sont les signes d’identité, les marques de possession, les ornements décoratifs. Ces armoiries définissent (sans incertitude, ni confusion) l’identité d’un individu, celle d’une famille ou celle d’une communauté (par exemple une ville, une région ou une corporation). Par le blason, le sujet (ou sa parenté, ou une compagnie) est reconnu par un code visible ; il est distingué, signalé, différencié. On le retrouve.
Vers le milieu du XIIe siècle, les armoiries apparaissent en Occident sur les champs de bataille et dans les tournois comme signes de reconnaissance. Cet usage se diffuse rapidement dans la société féodale. Par la suite, il s’étend progressivement aux femmes, aux prélats, aux papes, aux bourgeois, et (dans certaines régions) aux artisans et aux paysans aisés. Peu à peu, cet usage touche les communautés civiles ou religieuses. Dès le XIIIe siècle, les églises, les châteaux, les hôtels de ville, les lieux des guildes sont des sortes de « musées d’armoiries » qui subsistent, en particulier, en Allemagne, en Angleterre… En France, la Révolution a décrété en 1790 la suppression des armoiries en même temps qu’elle décidait celle de la noblesse, des titres, des livrées, des bannières, des pigeonniers, des ordres de chevalerie, des décorations et de tous les « signes de féodalité ». L’usage des armoiries fut aboli. Les particuliers durent brûler leurs titres et leurs sceaux, gratter leur vaisselle et leur argenterie, lacérer leurs reliures, retourner leurs plaques de cheminée, marteler leurs linteaux de porte. Après la chute de la monarchie, en septembre 1792, cette chasse s’étendit aux couronnes et aux fleurs de lys. En 1793, la flèche de la Sainte-Chapelle à Paris fut ainsi abattue parce qu’elle était partiellement décorée de L (pour Louis) et de fleurs de lys. Cette « terreur héraldique » ne cessa qu’en 1796. Alors un grand nombre d’objets, d’œuvres d’art, de monuments avaient été mutilés ou détruits parce qu’ils étaient ornées d’armoiries. Les œuvres avaient été alors défigurées, écorchées.
Or, Michel Pastoureau précise que les armoiries n’ont jamais été des marques de noblesse. En Europe occidentale, nulle part, à aucun moment de l’histoire, l’usage des armoiries n’a été réservé à une classe ou catégorie sociale. Chaque individu, chaque famille, chaque collectivité a (partout et toujours) été libre d’adopter le blason de son choix et d’en faire l’usage privé, à la seule condition de ne pas usurper les armoiries d’autrui.
Michel Pastoureau affirme aussi que l’héraldique médiévale ignore l’ésotérisme, l’hermétisme, les interprétations mystérieuses, les arcanes mystérieux. Avec fermeté, il critique les auteurs qui prétendent découvrir les liens entre les armoiries médiévales et les sociétés secrètes (alchimistes, templiers, maçons).
Michel Pastoureau propose une logique des couleurs du blason et de ses figures. La langue des héraldistes se détache peu à peu de la langue littéraire. Vers la fin du XIIIe siècle, elle se dote d’un lexique et d’une syntaxe spécifique. Avec peu d’éléments (les couleurs et les figures), cette langue dit beaucoup avec élégance et rigueur.
Dans ce livre, vous regarderez telle image des armoiries et vous lirez parallèlement la phrase qui les définit. Par exemple, le blason « D’argent à l’aigle bicéphale de sable, à la cotice de gueules brochante ». Ou bien, celui « De gueules à l’aigle d’or ». Ou encore, « De gueules à six roses d’argent boutonnées d’or, au lambel d’azur ». Ou aussi, celui « D’azur au croissant tourné d’or accompagné d’une étoile »…
Dans le système héraldique médiéval, les couleurs constituent probablement l’élément le plus important. Ce sont, le plus souvent, six couleurs qui portent en France des noms particuliers : rouge (gueules), blanc (argent), jaune (or), bleu (azur), noir (sable) et vert (sinople).
Si le nombre des couleurs en usage dans les armoiries est fixe et limité à six, les figures sont multiples. N’importe quel animal, végétal, tout objet et forme géométrique peut devenir figure du blason. C’est un répertoire ouvert des figures. Pourtant, ce répertoire est, la plupart du temps, restreint. Par exemple, le bestiaire héraldique médiéval n’est pas très diversifié ; il s’organise autour d’une quinzaine d’espèces courantes et il privilégie deux formes dominantes : le lion et l’aigle.
Dans l’art héraldique, les formes sont simplifiées, les contours schématisés, les volumes supprimés, les figures aplanies. C’est la stylisation des figures. En particulier, les aspects agressifs des animaux doivent étonner et effrayer. Quelques éléments corporels sont mis en évidence : la tête énorme, la gueule ouverte, le bec crochu, l’œil marqué, les griffes, les serres, les dents, les ailes déployées, les articulations soulignées. Nés en plein air, à la guerre et au tournoi, ces dessins énergiques et fortement stylisés répondent à une double nécessité : être vu et identifié à distance ; pouvoir se reproduire sur des supports faits de matériaux variés (bois, cuir, parchemin, toile, métal).
Et aussi, dans des romans, surgit, sur un chemin, un chevalier noir qui n’est pas forcément un félon, mais quelqu’un qui cherche à cacher son identité sous des armoiries et un équipement entièrement noirs. Dans Ivanhoé (1819) de Walter Scott, le noir est un déguisement nécessaire de Richard Cœur de Lion. C’est un passage obligé entre son état captif et son statut retrouvé d’homme libre et de souverain.
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