On ne devait pas s’ennuyer dans les bureaux de Marcel Duhamel. L’illustre inventeur de la « Série noire » se souvient, dans Raconte pas ta vie, d’un « accrochage » avec son éditeur. « Coupe, taille et rogne, il me dit, sinon tes lecteurs vont se faire vieux. » Chez Gallimard, malgré le succès phénoménal de la Série noire, ce que l’on n’appelait pas encore « formatage » existait, et Raymond Chandler n’était pas mieux traité que les autres. L’éditeur avait tous les droits, dont celui d’imposer un style – à base d’argot de Pigalle – à ses traducteurs, et à ses livres un nombre de pages – deux cent cinquante – à ne pas dépasser.
Les enquêtes de Philip Marlowe
Depuis 1945, la recette a largement fait ses preuves et personne n’a eu l’idée de s’en plaindre, à peine de s’en étonner. The Little Sister ayant été affublé d’un titre français aussi dégradant que Fais pas ta rosière ! – ce qui témoigne clairement du refus de traiter un auteur de « polar » en écrivain digne de ce nom –, Chandler, perplexe, demande à son éditeur anglais, Hamish Hamilton, ce que c’est qu’une « rosière ».
Sait-il seulement que Duhamel coupe joyeusement tout ce qui dépasse le nombre de pages réglementair...
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