« Plus tard : il a ouvert les voilages pour que la lumière se frotte sur lui. Je vivais seul, mais j'avais des harems de lumière : est-ce une consolation efficace ? Il écoute les bruits, la machine à laver qui fait trembler les murs, surtout à l'essorage, les lycéens qui sortent de l'école, le quelque chose comme un coassement des souvenirs quand par exemple il longeait le bord de la mare pour compter les grenouilles et tout semblait alors aussi simple que de se disposer soi aussi en étalage au soleil. Les arbres attiédissaient la chaleur ; attiédissaient ou attendrissaient ? Finalement, la lumière, peutêtre qu'elle est le seul interlocuteur fidèle. On consulte les calendriers, et des siècles à l'avance, on sait à quelle heure arriveront nos amours.
[...] Bien sûr, il exagère. Parce qu'il est encore légèrement beau et parce qu'il se donne facilement et parce que beaucoup (beaucoup) d'hommes sont entrés dans son corps. On pourrait croire qu'il recherche le plaisir, mais le plaisir n'a pas d'importance ou pas la première importance. Simplement : lorsqu'un homme le pénètre, il y a une nouvelle bougie à la fenêtre du soir, et c'est un vacillement invincible de plus posé en sentinelle à la porte de garde. Chez lui il a construit une carte du monde et il plante de petites ampoules dessus comme des drapeaux de victoire à chaque nouveau prénom logé en lui, abrité en lui, et parfois il les fait clignoter, éparses prières électriques de son existence. » (2)
- Tout récemment : Peter Gizzi, L'Externationale, Corti.
- Extrait des Amours suivants.
- Stéphane Bouquet, Les amours suivants, Champ Vallon, 104 p., 12 .
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