Didier Cahen, poète et essayiste, s’est intéressé à Edmond Jabès, dont le verbe prolixe est fécondé par les textes sacrés, et à André du Bouchet, qui n’utilise les mots qu’avec parcimonie comme s’ils étaient infiniment précieux.
Deux maîtres contradictoires dont on retrouve la trace dans son dernier ouvrage. Son titre, Les Sept Livres, s’inspire peut-être du Livre des questions en sept volumes d’Edmond Jabès. Mais les vers brefs,
« Radieuse
La bouche
Qui dira
Moins »
les mots rares et choisis, feraient plutôt penser à André du Bouchet. Ils semblent en effet vouloir rester à la surface et même à ras de terre, « le nez dans la poussière », tout en forant en profondeur, partir en quête d’un récit pareil à « la branche noire qui fait un coude dans le ciel » (André du Bouchet). Didier Cahen a le goût du blanc de la page et l’idée qu’on écrit comme si on devait hurler pour faire entendre les choses les plus simples, et murmurer pour faire entendre les plus terribles :
« Une sale erreur
Pour toute
Identité »
Dans la belle édition de La Lettre volée, animée par Pierre-Yves Soucy (qui dirige aussi la revue L’Étrangère), la maquette de couverture simule un livre ouvert alors qu’il est encore fermé, en présentant sa tranche aux feuillets entrouverts, sur un fond rouge sombre. Belle illusion, raffinement éditorial, qui donne envie d’entrer sur les terres de l’auteur.
« Avant la chute,
L’oubli
Sur le chemin
Se taire
Les mots résonnent
À sec
Le mur
Où la mémoire…
Une poignée de terre
Collée du bout des lèvres
La main
Tendue derrière
Langue bis
Lettre agitée
On parle
Gris et sale
Le nez dans la poussière »
Didier Cahen a également publié, l’année dernière, À livre ouvert, préfacé par Jean-Luc Nancy (Hermann éd.).
Marie Etienne
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