Velimir Mladenović : Vous êtes ingénieur, et l’on peut dire que l’écriture est votre vocation. Pourriez-vous nous retracer comment est né ce passage vers la littérature ?
Martin Dumont : J’ai toujours aimé lire et écrire. Petit, j’écrivais déjà des fictions dans des petits carnets. J’ai continué en grandissant, avec des nouvelles ou des textes plus intimes. Assez naturellement, j’ai eu un jour envie d’essayer d’écrire un roman. La forme longue m’intriguait. Comment réussir à ne pas ennuyer le lecteur sur des centaines de pages ? C’est venu comme ça, sous la forme d’un défi. L’envie de raconter une histoire qui s’étire un peu plus longtemps.
V. M. : Quels sont les livres de votre enfance et ceux qui ont changé votre vie ?
M. D. : Adolescent, j’ai lu beauo d’auteurs américains. Ernest Hemingway, F. Scott Fitzgerald, John Fante, Hunter S. Thompson, Jack Kerouac, Paul Auster. Le premier livre qui m’a vraiment fait comprendre l’importance de la littérature, c’est sans doute Martin Eden, de Jack London. Novecento : pianiste, d’Alessandro Baricco a aussi beaucoup compté, et plus récemment, je pourrais citer Mon traître, de Sorj Chalandon, qui m’a énormément influencé dans le travail d’écriture.
V. M. : Peut-on considérer votre roman Tempo comme un roman sur la musique ?
M. D. : La musique est le cadre du récit, elle nourrit l’atmosphère, l’ambiance. Je lui rends un hommage appuyé et j’espère que le lecteur sent tout l’amour que je lui porte. Mais je crois qu’il s’agit surtout d’un roman sur les rêves de jeunesse, sur la vie et la finitude. Je voulais parler des limites auxquelles nous faisons tous fatalement face un jour. Comment les appréhender ? Comment apprendre à vivre avec ? Déconstruire le mythe de la réussite comme seule issue vers le bonheur.
V. M. : Comme le personnage principal de votre roman, vous étiez membre d’un groupe rock. Quels traits partagez-vous avec votre personnage, Félix ? Où avez-vous trouvé de l’inspiration ?
M. D. : J’ai en effet eu un groupe et j’ai beaucoup puisé dans mes souvenirs pour écrire le livre. J’ai essayé de décrire le plaisir que l’on ressent à jouer sur scène. Les liens que l’on tisse, l’ambiance des répétitions, les rêves. Les déceptions aussi, parfois. L’histoire de Félix n’est pas la mienne, mais nous avons beaucoup de points communs. Je suis par exemple moi aussi un jeune père.
V. M. : Grâce à un QR code en dernière page de votre roman, nous pouvons écouter la musique qui vous inspire. D’où vient cette idée de lecture interactive ?
M. D. : L’idée vient de ma maison d’édition, Les Avrils. Je suis très heureux d’avoir l’opportunité de partager cette sélection musicale, de pouvoir faire écouter aux lecteurs ce que j’avais en tête en écrivant cette histoire.
V. M. : « Qu’est-ce qu’il nous reste exactement une fois qu’on a laissé filer nos rêves ?», « Je joue pour qu’on se souvienne, pour couvrir les sirènes du néant » sont les messages portés par ce roman. Quels sens leur donnez-vous?
M. D. : La première citation résume vraiment l’idée du roman. Comment abandonner ses rêves sans avoir l’impression de rater sa vie ? Est-ce qu’il y a du bonheur ailleurs que là où on l’avait imaginé ? C’est une réflexion autour du temps qui passe, du passage à l’âge adulte. Le deuxième extrait est plus personnel et plutôt lié à la création artistique, à ce besoin viscéral d’écrire, de composer ou même de jouer pour avoir l’impression d’exister pleinement.
[Martin Dumont est né en 1988, il est ingénieur pour l’éolien en mer, ancien membre d’un groupe de rock, et vit entre Rennes, Paris et Nantes. Après Le Chien de Schrödinger (2018) et Tant qu’il reste des îles (Les Avrils, 2021, Prix France Bleu / Page des libraires, sélection Prix des libraires et Prix Relay), tous deux parus en poche aux éditions J’ai Lu, il poursuit avec Tempo.]
[Extrait]
« C’est pour ça que je joue. Sur des scènes fatiguées, au fond des salles obscures. Dans les bars où personne n’écoute. Pour exister, pour avoir l’impression de vivre. Pour partager ce qui bouillonne en moi. La joie, la peur, l’amour, la peine. Tout ce qui me tord les tripes ou me rend follement heureux. Je joue pour qu’on se souvienne, pour couvrir les sirènes du néant. Pour oublier ne serait-ce qu’un instant l’absurdité de la fin et le vertige du vide. »
Martin Dumont, Tempo
Velimir Mladenović
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