Issu d’une table ronde dans un colloque de la Société de psychanalyse freudienne (SPF), le dossier « La psychanalyse dans le monde contemporain » juxtapose de brèves interventions – le court temps imparti à chacun rendant et le dialogue et l’approfondissement impossibles – d’orientations différentes autour de la question : « En psychanalyse, à quoi tient-on ? »
Cette question invitait sans doute principalement à se positionner sur les éventuelles modifications du « cadre » (nombre de séances, place du silence, intégration ou non des innovations technologiques dans la cure, etc.) : certains ont préféré discuter (brillamment) la question elle-même ; d’autres ont, semble-t-il, voulu surtout marquer leur appartenance théorique (une et unique) et quelques-uns ont accepté d’entrer dans un questionnement sur les évolutions de leur pratique. Retenons ces quelques phrases de Pascale Hassoun : « Ce qui arrive à l’heure actuelle ne peut être qu’à la source de l’approfondissement de notre métier. La psychanalyse est notre outil, mais nous devons nous garder de la fétichiser […]. Nous sommes à des années-lumière de la période, dans les années 1970, où il était recommandé d’être neutre et silencieux. Il y eut, heureusement, des pratiques différentes dans des institutions publiques où certains d’entre nous ont accepté de “se compromettre” et surtout d’apprendre de leurs petits patients ou de leurs grands patients psychotiques. Nous avons aussi appris de nos patients avec des maladies somatiques graves, de nos patients en situation de précarité ou d’exil. Certains d’entre nous se sont confrontés au champ médical. […] Nous sommes donc confrontés à des nouvelles tâches. La pratique de l’analyse se différencie fondamentalement d’une technique conçue comme l’application d’une théorie : elle est création, pas tout à fait ex nihilo. »
Au-delà des divergences d’orientation théorique, ces derniers propos rejoindraient volontiers plusieurs des articles de l’autre ouvrage de la collection « Débats en psychanalyse », paru aux PUF. Ce recueil rassemble des textes qui approfondissent chacun un aspect de cette large question : « La psychanalyse est-elle mortelle ? » En quoi peut-elle se modifier selon l’époque ou resterait-elle indissociable de la Vienne de Freud ? Comment sa pratique évolue-t-elle actuellement ? L’ensemble est organisé selon trois axes : la temporalité psychique et l’exigence d’accélération (et de performance) du monde contemporain ; les transformations des repères quant à la différenciation sexuelle ; et, enfin, le travail des psychanalystes hors du cadre « divan-fauteuil ».
Un résumé de cet ensemble irait à contresens de l’intention des coordinatrices de l’ouvrage, qui ont voulu contribuer à nourrir un débat nuancé prenant en compte des expériences et des positionnements variés, dans une prise de recul délicate à tenir. Il est toutefois possible de noter que la plupart des articles donnent à penser : ils disent certes les difficultés actuelles pour les psychanalystes et leur place officielle menacée après le temps de quasi-hégémonie des années 1970 et 1980, mais aussi – et surtout – la formidable vitalité de la psychanalyse, son inventivité renouvelée, sa capacité à s’ouvrir et à penser son évolution nécessaire par-delà les résistances au changement inhérentes aux institutions. Ils disent aussi l’offre précieuse de cet espace d’écoute unique, attentif au plus singulier, en contraste avec les exigences d’uniformisation et de rentabilisation du monde économique.
Ainsi l’introduction du livre rappelle-t-elle une réponse de Freud aux détracteurs de la psychanalyse, reprenant un trait d’esprit de Mark Twain qui, après avoir lu un faire-part de son propre décès, fit publier dans le même journal : « La nouvelle de ma mort est très exagérée. »
Annie Franck
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