En 2014 a été inaugurée la Fondation Vincent van Gogh-Arles. Pour sa deuxième exposition, elle propose un ensemble de dessins sous l’angle des « influences et innovations ». Le regard des visiteurs ne sera plus limité aux Mangeurs de pommes de terre. Les reproductions et les commentaires qui les accompagnent conduisent à un regard neuf. Ainsi, à partir de Millet, Le Semeur en deux versions. L’une de 1873, et sa reprise en 1880, au crayon assorti de touches de peintures.
Vincent et son frère Théo collectionnent les gravures : le monde qui les entoure, les événements dans le périodique L’Illustration, le travail dans les rues, les miséreux, et peut-être la misère morale comme celle d’un homme qui enfouit son visage entre ses mains, laissant voir, comme souvent alors, des sabots ou des chaussures éculées. Celles-là mêmes qui donneront lieu à un concours de sagacité entre Meyer Schapiro, Heidegger et Derrida.
Si la « vérité en peinture » demeure la fin de l’œuvre, les commentaires des images s’attachent ici à Van Gogh à l’œuvre.
Ce fut le titre d’un bel ouvrage publié par les mêmes éditeurs à l’occasion d’une exposition à Amsterdam en 2013.
Aujourd’hui sont explorés avec précision les procédés graphiques de l’artiste, et leurs effets, jusqu’à l’usage si habile de la lithographie (la vraie).
C’est à Arles que son évolution semble la plus déterminante. Van Gogh y est arrivé en février 1888, à la recherche du soleil. Il neige. Soixante centimètres d’épaisseur. Van Gogh travaille à l’intérieur. Il avait dit à son frère : « le vrai dessin, c’est de modeler avec de la couleur ». Il taille des instruments en pointes de roseaux. Il mêle la craie noire et la peinture, « module » (c’est un mot de Cézanne). Cette modulation, dans laquelle nous reconnaissons le style conquis par Van Gogh, apparaît dans son ampleur dans Banc de pierre dans le jardin de l’asile (craie noire et peinture à l’huile : ce banc bâti de portées moutonnantes qui deviennent le sujet même de la peinture, sa vérité).
Van Gogh est venu dans le Midi sur les traces d’Adolphe Monticelli. Il écrit à Théo : « tu sais que j’ai toujours la prétention de continuer la besogne que Monticelli a commencée ici ».
L’attention du Hollandais ne va pas aux scènes de parc, aux personnages, mais aux bouquets qui ne sont à vrai dire que des rencontres de couleurs. Van Gogh s’en inspire. Un de ces vases de Monticelli se trouve dans le fonds du musée d’Amsterdam.
Monticelli est mort quand Van Gogh arrive à Arles. Né à Marseille en 1824, il y est mort en 1886.
Van Gogh naît en 1853. Il est mort en 1890. Munch, né en 1863, est mort en 1944. Quelle rencontre entre les deux peintres ? Si Munch connaissait l’œuvre de Van Gogh, l’inverse est très douteux. Rencontre entre les deux peintres qui peut-être n’aurait pas eu lieu sans l’initiative des musées d’Oslo et d’Amsterdam. Leur rencontre est donc une rencontre imaginaire, dont l’origine est sans doute la notoriété acquise par les deux peintres (inégale, si l’on en juge par l’espace donné par le Petit Larousse illustré à Van Gogh et à Munch. Pour ce dernier, quatre lignes et pas de reproduction. Ce qui vaut peut-être mieux : à la lettre M, la reproduction à l’envers d’un tableau de Miró).
L’ouvrage publié à l’occasion de cette exposition fournit moins les bases d’un exercice académique que l’occasion de regarder les deux œuvres, dans leurs singularités, dans leurs différences.
Le catalogue est riche en reproductions. Il est aussi abondant en exposés sur l’histoire de cette « rencontre ». L’analyse du « style » ne pouvait que rester courte. Demeure néanmoins un apport précieux, non à la comparaison, mais à un regard attentif aux singularités de deux œuvres dont on peut dire qu’elles étaient parallèles.
Dans ce printemps Van Gogh, prend place l’édition des lettres de Vincent Van Gogh, version abrégée du monument exceptionnel qu’a constitué il y a peu d’années la publication en six volumes des neuf cent trois lettres de sa correspondance. Dans cette édition, les fac-similés de l’original, y compris les dessins inclus dans la lettre, étaient reproduits. Voici, plus accessible, une édition qui comprend deux cent soixante-cinq lettres et cent dix dessins originaux. Cet ouvrage est à paraître en septembre.
Georges Raillard
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