L’auteur du célèbre Pain noir, résistant membre du comité de rédaction de la revue Fontaine pendant la guerre, avocat des humbles, défenseur des écrivains emprisonnés ou dissidents à la tête du PEN Club, a composé une œuvre prolifique dans laquelle la poésie importe : « Sans doute la poésie ne changeait-elle pas la vie autant que l’avait rêvé Rimbaud, elle n’en assurait pas moins, par les pouvoirs d’un langage en quelque sorte amoureux, une métamorphose, une transfiguration sans lesquelles le réel ne pouvait être atteint dans sa plénitude[1]. »
Arlette Brunel précise les circonstances d’écriture de ces poèmes[2], « extraits de la correspondance que Georges-Emmanuel et [elle-même ont] échangée à partir des années 1960 » : plongée à la source. Le titre situe d’emblée dans une tradition lyrique les poèmes, dont le premier s’ouvre sur « le temps des possibles ». Ils ne suivent pas l’ordre chronologique de leur rédaction, c’est une autre logique qui préside à leur agencement.
Courts et denses, ils s’ajournent sur l’énigme :
Je sens bouger les lèvres du silence
Et livrer passage
Plus longs, ils laissent entrer dans la voix la douceur mélancolique du chant :
Belle, ma belle, nous n’aurons pas dansé longtemps, longtemps,
Tout le long des longs étés aux matins verts de la jeunesse.
Vers libres ou mesurés, avec ou sans rimes, utilisant l’espace de la page ou le simple alignement, chansons ou chansonnettes, poèmes d’un instant dont l’heure d’écriture est indiquée : nous renouons avec la variété pratiquée par Georges-Emmanuel Clancier dans l’ensemble de ses recueils. Lui qui aimait tant les troubadours comme Guillaume Apollinaire passe d’une forme à l’autre dans sa lyrique amoureuse. Il compose ainsi deux acrostiches sur le prénom Arlette. Il aime jouer sur le nom de l’aimée, Brunel, dont il isole puis réunit les syllabes pour qu’un espace accru lui soit consacré : « Ô ma brune romaine / Ma belle au romarin. »
Nous retrouvons dans ce recueil (le poème le plus ancien est daté de 1959, le plus récent de 1978) le goût du poète pour la nature, mais aussi sa protestation contre « les prisons de l’argent, de la foi, du pouvoir ».
Quand le paysage et le corps féminin se mêlent, le poème se rapproche de la tradition du blason :
Ô sablier de l’aimée,
Allégresse des jambes,
Juvénile fierté de la nuque,
Hanches des ténébreuses voluptés.
Des thèmes universels à la simple lyrique amoureuse, Au secret de la source et de la foudre lie le destin commun à l’éclat singulier de la rencontre et de la déclaration perpétuée.
[1]. Georges-Emmanuel Clancier, La Poésie et ses environs, Gallimard, 1973.
[2]. Trois des poèmes sont aussi publiés, avec quelques variantes, dans Georges-Emmanuel Clancier, Le Paysan céleste, suivi de Notre part d’or et d’ombre, Gallimard, coll. « Poésie », 2008.
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